Baptême du batiment St Charles de Foucauld
Charles, notre camarade, notre frère, te voilà Saint !
Le 1er décembre, date ô combien symbolique, le bâtiment Charles de Foucauld de Ginette était rebaptisé au nom de Saint Charles de Foucauld.
Une très belle fête durant laquelle, notamment, de jeunes Bjiens ont lu le très beau message écrit par Thibaud Naulet (SG 2004/2006) et professeur au lycée. Je vous laisse le loisir de le découvrir ci dessous.
Bien à vous
S de Laigue
C’était un 1er décembre, à peu près à cette heure-ci. A la nuit tombée, Charles, devant ce petit fort de Tamanrasset, dans la solitude glaciale du désert, tu as remis ton âme à Dieu. Nous voilà, plus d’un siècle plus tard, cette même nuit d’un 1er décembre, réunis par ton nom. Ce jour n’est pas tant pour nous celui de l’anniversaire de ta mort que celui de ta naissance au ciel. Pour nous, Charles, le 1er décembre 1916, c’est le jour où l’un des nôtres est devenu saint. Cela faisait quarante ans que tu avais quitté la BJ, dont tu avais usé les bancs lorsqu’elle se trouvait encore rue des Postes, sur la montagne Sainte-Geneviève, à Paris. Tu y étais entré à l’âge de seize ans, envoyé par ton grand-père alors que tu étais déjà orphelin de père et de mère.
Tu es, Charles, le seul saint proclamé par l’Église parmi des dizaines de milliers d’anciennes BJiennes et d’anciens BJiens. Quel est donc ton secret ? Il y a tant, parmi les anciens de Ginette, de héros de toutes sortes, tant de grands soldats, tant de savants et tant de religieux ! Qu’as-tu donc fait, Charles, pour être le seul à pouvoir, dans nos prières, être invoqué parmi les saints du Ciel ?
A Ginette, pourtant, rien ne semblait te destiner à voir un jour un bâtiment de ton école porter ton nom. Tu n’étais certes pas médiocre dans les études, tu étais en milieu de classe, mais tu étais très paresseux et tu n’avais pas vraiment de goût pour les mathématiques, la physique et les humanités. Sur une photographie de l’époque, on te voit affalé au milieu de tes camarades qui, eux, se tiennent droits. Tu assistais à la messe et aux enseignements religieux sans y mettre ton âme. Chaque effort te coûtait, tu pensais souvent au confort que tu avais quitté, à toutes les gourmandises auxquelles tu avais renoncé et tu peinais à te lever le matin. Tu n’avais pas encore vraiment trouvé un désir qui te fasse vivre. On t’avait envoyé ici pour que tu entres à Polytechnique, mais lorsque les jésuites t’orientèrent en fin de première année en préparation à Saint-Cyr, cela ne te fit rien. Tu n’avais pas trouvé de sens à tes études, et tu te lamentais de l’éloignement des tiens. Alors tu semblais suivre, sinon subir, ta vie d’élève ici.
Ta seconde année ne se passa pas mieux, et les Pères te reprochaient de ne pas travailler assez. Tu finis par être renvoyé chez ton grand-père à Nancy, deux mois avant de passer et de réussir le concours de Saint-Cyr.
Et pourtant, de ces années de tâtonnements, de solitude intérieure, de lassitude et de doute, tu as su tirer le meilleur. Tu les as souvent évoquées dans les quinze mille pages de lettres que tu as écrites tout au long de ta vie à ta famille et à tes amis. Tu y racontes combien, alors que tu ne trouvais aucun réconfort dans la pratique religieuse, tu admirais les jésuites pour leur patience et leur délicatesse. Et combien tu étais fasciné par le don de leur personne dans leurs voeux de religion.
Comment ne pas y voir, Charles, le ferment de l’offrande de ta propre vie pour les autres qui germa quelques années plus tard ? Ta vie, comme les nôtres, n’a pas suivi une ligne droite. Dans ses méandres, tu nous fais entrevoir que la sainteté passe par l’expérience de nos fragilités et de nos limites. Le bon Dieu aurait pu choisir de faire entrer à ta place dans la lumière l’un de nos majors de promotion, l’un de nos rabs ou l’une de nos rabinettes. Il aurait pu choisir, à tout le moins, un BJien qui n’aille pas, comme toi, à chaque prière prépa à reculons. Mais non, Charles : c’est toi qui es saint, parce qu’avant d’entrer dans la lumière, tu as traversé l’obscurité. Parce qu’avant de trouver ton désir, tu l’as d’abord perdu, puis cherché. C’est toi qui es saint parce qu’après avoir connu ces soirs de décembre, à Ginette, où le jour baisse trop tôt, où le ciel paraît triste et où l’on cherche à tenir bon sans trop savoir où l’on va, tu as choisi de te donner à tous, jusqu’à ton dernier soir. Tu as fini par rejeter ce repli sur soi et tu as entendu l’appel à servir partout où l’amour du Christ te conduirait. De ta conversion à l'âge de vingt-huit ans jusqu'à ton martyre, comme moine, prêtre, ermite et missionnaire, habité par le don de ta personne pour les autres, tu n’as jamais cessé d’être un BJien. Lorsque tu as rejoint le désert que tu avais arpenté dans ta jeunesse comme explorateur, tu as pris pour boussole le dépouillement du Christ pour devenir auprès des peuples d’Afrique du Nord le frère universel. La rencontre et le dialogue avec ceux qui dont la culture et la religion t’étaient étrangères ont inspiré ta manière de vivre le témoignage de l'Évangile.
En donnant ce soir ton nom à l’un des bâtiments notre école, c’est l’âme de ton ermitage de Tamanrasset que nous voulons retrouver. Nous voulons que ceux qui habitent ce lieu fassent ici l’expérience de cet esprit de fraternité dont tu voulais illuminer le désert.
À l’une de tes cousines, tu écrivais le 4 avril 1893, pour commenter la fin de ton séjour à Ginette dix-sept ans plus tôt : « j’ai quitté la rue des Postes après avoir pendant des mois tout fait pour en sortir ». Nous ne sommes plus rue des Postes, cher Charles, mais finalement, nous sommes toujours là, et toi, tu es revenu. Et nous te savons désormais à jamais au milieu de nous, prêt à nous secourir lorsque, à notre tour, la lassitude et la médiocrité voudraient nous étreindre, prêt à nous aider à nous lever le matin pour servir. Et à nous tenir droits !
Charles, notre camarade, notre frère, te voilà Saint !
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